Les 33 dents du Christ de La Pietà
La mésiodens. Son nom ne vous dit peut-être rien mais vous l'avez probablement déjà vue dans de nombreuses oeuvres de la Renaissance. La mésiodens, c'est «une dent supplémentaire entre les deux incisives centrales maxillaires».
Comme l'explique la Stampa, la mésiodens est présente chez de nombreux personnages des œuvres de Michel-Ange, et notamment sur la Pietà, une statue en marbre de la basilique Saint-Pierre, au Vatican.
Mésiodens dans d'autres œuvres d'art:
Sibylle Delphique, Chapelle Sixtine, 1509.
Jugement universel, détail du squelette qui s'élève, 1539-1540, Cité du Vatican, Chapelle Sixtine.
"L'âme damnée" de Michelangelo Buonarroti - Encre - 357 x 251 cm - 1525 - (Galleria degli Uffizi (Florence, Italie))
La Pietà représente la vierge Marie assise, tenant entre ses bras et sur ses genoux le corps du Christ qui vient d'être crucifié. Il faut savoir, rappelle La Stampa, que Michel-Ange avait une grande passion pour l'anatomie humaine et qu'il ne laissait que très peu de choses au hasard dans ses oeuvres. S'il a choisi d'ajouter cette mésiodens, il avait probablement une raison.
Michel-Ange a sculpté trois Pietà. La plus belle se trouve dans la basilique Saint-Pierre au Vatican. Michel-Ange n’a que 23 ans quand il la réalise en l’espace de moins d’un an.
Le 21 mai 1972, jour de la Pentecôte, un déséquilibré du nom de Lazlo Toth, a mutilé la sculpture en la frappant de quinze coups de marteau, et a notamment brisé le nez de la Vierge. L'œuvre d'art a depuis été restaurée et est à présent protégée derrière une vitre blindée, ce qui ne permet plus à ses admirateurs d’en faire le tour. Par ailleurs, les travaux de restauration de cet acte de vandalisme ont fait apparaître sur la main gauche de la Vierge le monogramme de Michel-Ange resté caché pendant près de 500 ans : un M. dessiné sur la paume avec les lignes de la main.
Œuvre exceptionnelle, la Pietà est la seule œuvre signée par l'artiste: MICHAL.AGELUS BONAROTUS FLORENT.FACIEBAT, c’est-à-dire « Michel-Ange Buonarroti le Florentin l’a fait », signature située sur le bandeau de la Vierge.
C'est le cardinal français Jean Bilhères de Lagraulas, qui commande à Michel-Ange la sculpture La Pietà pour la chapelle de S. Petronila, des rois de France dans la basilique Saint-Pierre.
Cette sculpture taillée dans un seul bloc de marbre présente au moins trois « défauts », volontaires de la part du génie de la Renaissance.
D’abord la disproportion de taille entre la mère et le fils. La mère servant de socle au fils étant plus imposante. Debout, la Vierge serait beaucoup plus grande que le Christ (imperfection ou traduction symbolique, ou même construction perspective, le groupe étant vu d'en bas). Les genoux de la Vierge sont désaxés, ce qui forme un socle pour le Christ.
Ensuite, ce que l’on pourrait appeler par extension un anachronisme, puisque la mère parait aussi jeune, sinon plus que son fils. La virginité de Marie à l’origine de la conservation de sa jeunesse. Représentation volontaire de la part de Michel-Ange qui a justifié ce parti-pris auprès de son élève et biographe Ascanio Condivi: « La mère devait être jeune, plus jeune que son fils pour paraître éternellement vierge, tandis que son fils, qui a pris notre nature humaine, doit être, dans le dépouillement de la mort, un homme comme les autres ».
Enfin, lorsque l’on peut voir son visage de près, le Christ a 33 dents ! Il a une mésiodens (dent surnuméraire) entre les deux incisives centrales supérieures. Ce que l’on observe, parait-il, dans de nombreuses œuvres de la Renaissance, et notamment dans celles de Michel-Ange. L’implantation de cette mésiodens étant probablement volontaire alors qu’elle détruit la symétrie et que le sculpteur connaissait parfaitement l’anatomie.
Photo M. Falcioni, Fabbrica di San Pietro.
Pourquoi Michel-Ange, fervent croyant et fin anatomiste, aurait-il mis « la dent du mal » dans la bouche du Christ ? En prenant forme humaine aurait-Il opté pour celle d’un porteur de mésiodens (moins de 1% de la population) ? Mais il serait miraculeux que Michel-Ange en ait eu connaissance, puisque nous n’avons de Jésus de Nazareth aucune représentation de l’époque.
La première, c'est que Michel-Ange a fait une erreur, ce qu'il écarte vite, puisque comme on l'a dit, Michel-Ange connaissait très bien l'anatomie. La seconde c'est qu'il associerait le Christ avec le mal, ce qui est absurde puisque l'on sait que sa foi catholique était importante. La dernière, c'est que Michel-Ange voulait représenter le corps du sauveur comme ceci, en accord avec le doctrine selon laquelle le Christ a accumulé tout le mal du monde en lui.
«Le Seigneur a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous», Esaïe 53: 6.
« Cette dent », affirme Bussagli, « témoigne de la miséricorde de l'incapacité de l'homme à comprendre même les dons que Dieu nous a donné (y compris la rédemption), pour cette myopie obstinée à suivre notre apparent intérêt. »
Bien sûr, le chemin est long d'une pièce en forme de dent de marbre à la Rédemption de l'homme. Mais Bussagli a réfléchi à son hypothèse avec le plus grand soin et une profonde conviction depuis 1996, dans l'espoir maintenant de convaincre même ceux qui n'avaient jamais remarqué cette abondance de dents.